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I. DO I AM AN ARTIST ?! (1965-70)

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Message  Quichotte Jeu 3 Aoû - 11:18

« Rêver un impossible rêve »

Je viens juste d’avoir 17 ans. Je suis à l’Athénée et vais entrer en Rhétorique. Passionné de théâtre, je vais, depuis l’âge de 12 ou 13 ans, voir à Bruxelles avec mes parents, toutes les pièces du Théâtre National : Brecht, Ghelderode, Tchékhov, Molière, Anouilh, Shakespeare, Pirandello, Shaw, Feydeau, Mrozek, Shaffer,…, mais aussi certaines saisons, les pièces des Théâtres du Parc et des Galeries.

Je suis fasciné par les comédiens qui me paraissent être, avec mes yeux de gamin, comme des espèces de « stars », comme celles que je vois au cinéma ! Je me rappelle d’ Anne Marev, Georges Bossair, Paul Roland, Janine Patrick, Georges Aubrey, Suzy Falk, Marcel Roels, Raoul Demanez (croisé à Venise sur la Place Saint Marc, alors que je suis en vacances avec mes parents), Pierre Fox, Jean Rovis, André Debaar, Serge Michel, Jo Rensonnet, Maxane, Denise Volny, Marcel Berteau, Yves Larec, Liliane Vincent, Marcel Josz, Arlette Schreiber, Bobette Jouret, René Hainaux, Henri Billen, Roger Duthoit, Jean Pierre Loriot, Robert Roanne, Christiane Lenain, Françoise Oriane,…

Certains soirs à la Soupape, je reverrai certains d’entre eux « en vrai »… trente ou quarante ans plus tard. Enfin, je pourrai les voir de tout près et même leur parler !! Quelle sera mon émotion de « vieux » gamin !

Je vais aussi à l’Ancienne Belgique et au Théâtre 140 voir des concerts et des récitals. Aussi bien les Shadows et les Kinks que Claude Nougaro, Adamo, Léo Ferré et Jacques Brel. Qu’est-ce qu’il postillonne, celui-là ! Ce qui m’agace un peu, c’est qu’il ne laisse pas au public le temps d’applaudir. Il enchaîne chansons sur chansons. Je suis assez frustré de ne pas pouvoir exprimer mon plaisir par mes applaudissements !

Dans l’Athénée où je suis, existe une troupe de théâtre composée d’élèves et d’anciens élèves. Pour le spectacle de cette année, il manque quelques «comédiens». Le directeur de la troupe, Gust De Groote, qui donne aussi le cours de diction, cherche dans son carnet de notes. Il trouve les noms de quelques élèves qui pourraient peut-être convenir. Je suis donc invité à le rencontrer. Je suis néanmoins assez surpris par cette invitation. J’ai toujours été paniqué de devoir faire des récitations devant la classe.
Lorsqu’il me voit arriver, il semble encore plus étonné que moi. En fait, il pensait à un autre élève qui porte le même nom ! Tout vient d’une confusion de personnes ! Ensuite, il s’est sans doute dit : Celui-là ou l’autre, pourquoi pas ?

En septembre, me voilà donc embarqué dans une nouvelle aventure.
Cette année, la troupe, qui s’appelle Athalyc, monte un Molière : « Le mariage forcé ». Je dois y jouer le rôle d’un petit vieux ! J’ai une petite scène d’une quinzaine de répliques ! Au même programme, il y a également la pièce de Jean Anouilh, « Antigone ». Dans cette pièce-là, je tiens le rôle d’un garde avec cinq répliques ! Ouf ! C’est tout à fait ce qu’il me faut pour un début.

Les répétitions et les représentations ont lieu dans un petit théâtre situé rue de la Paille, à côté du Sablon. Après chaque répétition, nous allons boire un verre au café « Le Nemrod » à la Porte Louise. Une grande table nous est réservée au tout au fond du café. Je n’ose pas beaucoup intervenir dans les conversations. La plupart sont habitués à jouer et plusieurs sont déjà à l’université. La seule façon que je trouve pour prendre ma place dans le groupe est de jouer le naïf, un peu sot ! De cette manière, je les fais souvent rire... à mes dépends, bien évidemment.

J’ai 18 ans lorsque, pour la première fois, je monte sur une scène. Nous sommes en 1965.
J’ai fort le trac. Avant la représentation, certains me disent de ne pas me tromper et de bien dire, dans la pièce « Antigone » : « On va tous boire un verre chez la Tordue » et non pas au Nemrod !! Bien sûr, en pleine représentation, je dis qu’on va tous boire au « Nemrod » !!

A la fin de la rhéto, le Préfet convoque tous les élèves pour savoir quelles études ils comptent entreprendre l’année suivante. « Alors que vas-tu faire ?» Je lui réponds que je ne sais pas encore très bien. « Je pense que des études universitaires, ce n’est pas pour toi. Tu dois chercher autre chose ». Merci pour ce conseil judicieux et précieux ! Cinq années plus tard, je terminerai l’université en réussissant chaque fois en première session ! Encore merci, Monsieur le Préfet. Paix à son âme !

Dur, dur la rentrée à l’université ! Il faut faire de nouvelles connaissances, s’adapter à un nouveau mode de vie. En droit, je retrouve un peu l’ambiance que j’avais connue dans mon athénée. Les étudiants sont plutôt assez snobs, à quelques exceptions près. Arrive la période des baptêmes. Cette tradition me donne mal au ventre. Déjà un peu rebelle, je refuse, avec quelques autres, de me soumettre à cette initiation que je trouve avilissante et barbare. Et le soir même de cette mascarade, je vais au Cirque Royal voir le merveilleux spectacle de M. Béjart, la 9ème Symphonie. Je le vis comme une espèce de pied de nez intérieur à ce système !

Dans la troupe, au fil des saisons, je me révèle ne pas être un comédien extraordinaire. Pas mal, mais sans plus. Mais lorsque je ne joue pas, je prends beaucoup de plaisir à faire les régies son et lumière. Je prends aussi note de la mise en scène de sorte que je fais répéter les autres acteurs lorsque le metteur en scène est absent. Je leur souffle aussi leur texte. J’aime également m’occuper de la location pour les spectacles et faire les plans de salle. Toutes sortes de tâches qui me seront bien utiles beaucoup, beaucoup plus tard…!!

La qualité des spectacles s’améliore d’année en année.
Nous participons à des festivals de théâtre étudiant au Passage 44, au Résidence Palace, et même à Amsterdam !

Le répertoire joué est très varié : Ingmar Bergman, R. Queneau, E. Ionesco, R. de Obaldia, A. de Musset, Ch. Dickens, etc,… et…M. de Ghelderode, l’auteur fétiche du metteur en scène et du regretté Daniel Mallinus (Escurial, Sire Hallewyn, Le soleil se couche, Vénus, Adrian et Jusémina,…)

Dans la troupe, la plupart des acteurs sont étudiants. Peu à peu, ils viennent de plus en plus régulièrement d’horizons différents.
Plusieurs d’entre eux se feront connaître plus tard dans des domaines très différents : Jean-Charles Dekeyser, directeur de RTL, Willy Vandervorst et Jean Pierre Greuze, journalistes à la RTBF, Georges Jetter, longtemps directeur du service cinéma à la RTBF, plusieurs deviendront avocats, comme Marc Wagemans, Jacques Lévy-Morelle, Emile Knops,... d’autres médecins, comme Jean Quintin. Et puis aussi : Philippe Geluck, alors encore élève à l’Athénée A. Max. Pas mal de beau monde !

C’est aussi l’époque de ma première voiture, une 2 CV bleu foncé. Je me rappelle d’un voyage en Espagne. La route montait tellement fort que les deux passagers ont été obligés de débarquer pour qu’elle puisse avancer. Parfois, la nuit, je rêve encore d’elle. Je l’aimais bien ma petite 2 CV.

Lorsque Mai 68 arrive, bizarre, je passe à côté, je n’ai aucune conscience politique. Les discours théoriques, les réflexions politiques me passent au dessus la tête. Qu’est ce qui se passe ? L’université est occupée par les étudiants. Les examens sont retardés. Il me faut vivre les choses, les ressentir pour que je les intègre.

En septembre de la même année, j’assiste au Théâtre de la Monnaie à la création d’un spectacle qui me marquera fort longtemps… : « L’ Homme de la Mancha » avec Jacques Brel dans le rôle de Don Quichotte et Dario Moreno dans celui de Sancho. Ce dernier mourra quelques semaines plus tard. Le personnage me fascine. J’achète le disque et je n’arrêterai pas de l’écouter pendant des années.

« Rêver un impossible rêve. Porter le chagrin des départs. Brûler d’une possible fièvre.
Partir où personne ne part. Aimer jusqu’à la déchirure. Aimer même trop, même mal.
Tenter sans force et sans armure. D’atteindre l’inaccessible étoile. Telle est ma quête, suivre l’étoile.
Peu m’importe mes chances, peu m’importe le temps et ma désespérance. Et puis lutter toujours, sans question ni repos, se damner pour l’or d’un mot d’amour. Je ne sais si je serai ce héros, mais mon cœur serait tranquille et les villes s’éclabousseraient de bleu parce qu’un malheureux brûle encore, bien qu’ayant tout brûlé, brûle encore même trop, même mal, pour atteindre à s’en écarteler, pour atteindre l’inaccessible étoile »

Durant quelques temps, je fréquente régulièrement le Nouveau Théâtre de Poche. Je me rappelle d’une pièce d’Arrabal : « Ils passèrent des menottes aux fleurs »

Je découvre au cinéma Vendôme, avenue Louise, le film « Mort à Venise » de Visconti. Un choc.

Pour la saison 68-69, j’ai enfin un premier rôle dans la création française de la pièce de James Saunders « Un léger accident ». Un personnage hautain, un peu idiot ! Il me va comme un gant ! Cette pièce sera reprise plus tard de nombreuses fois dans des distributions différentes.

Durant ma dernière année d’étude, je mets en veilleuse mes activités dans ma troupe de théâtre. Il me faut absolument réussir mes examens en première session. Ce que je fais. Comme beaucoup d’autres étudiants, à la fin de la session, je suis épuisé. Lors de mon tout dernier examen, un tout vieux prof me pose une question à laquelle je ne sais répondre qu’approximativement. Il me demande alors: « Vous avez fait cinq années de droit ?! ». A bout, je lui réponds : « Oui, mais je ne veux plus jamais en faire !!! ». Il me fait sortir : « Allez, bon, cela va !! »
Quichotte
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Date d'inscription : 18/01/2006

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